DU PASSE FAISONS TABLE RASE - THIERRY JONQUET
Avec Jean-Bernard Pouy, Jean-Patrick Manchette et Didier Daeninckx, Thierry Jonquet fait partie de mon panthéon personnel d'auteurs de romans policiers. Leur point commun : le néo-polar, ce genre littéraire où l'environnement social des évènements qui nous sont narrés est souvent plus important que l'intrigue elle-même. J'ai ainsi adoré des romans tels que "Mémoire en cage", "Mygale" ou "La bête et la belle" qui, chacun à leur manière, brouillent les pistes et fond plonger le lecteur dans des abîmes de noirceur. J'ai en revanche été passablement déçu par ceux de ses romans qui flirtent avec l'espionnage ("Comedia", "Le secret du rabbin"). Or, "Du passé faisons table rase" se situe précisément à la croisée des deux genres. Il y a des espions soviétiques et des barbouzes bien de chez nous, on y croise des militants communistes et des petits délinquants et il est question du passé trouble d'un dirigeant du parti Communiste Français.
Cette intrigue, l'auteur n'est pas allé la chercher bien loin. Il s'est inspiré des reproches adressés à Georges Marchais, secrétaire général du PCF de 1972 à 1994, à propos de son travail dans les usines Messerschmitt d'Augsbourg qui produisaient les avions de combat du IIIème Reich. Thierry Jonquet s'est donc contenté de pousser le bouchon un peu plus loin en imaginant que son personnage aurait en plus quelques délations sur la conscience. On y verra peut-être une petite pique de l'ancien trotskyste adressée au sempiternel adversaire communiste, mais une petite allusion à l'affaire Boulin remet les pendules à l'heure : les scandales politiques ne sont l'apanage d'aucun parti en particulier.
Le récit mélange les époques. Nous y suivons l'existence d'un jeune ouvrier pendant la seconde guerre mondiale, une série d’assassinats en 1972 et l’affolement du bureau politique du PCF confronté à un corbeau six ans plus tard. Bien entendu, ces trois fils narratifs finissent par se rejoindre en une intrigue bien sombre qui verra une fois de plus les humbles - militants de bases, petits fonctionnaires, exclus des quartiers chauds - faire les frais de la soif de pouvoir des grands de ce monde.
Gallimard - Folio Policier - 2006