CANYON STREET - PIERRE PELOT
Javeline et Jan les Etoiles ont décidé de quitter Canyon Street, la ville-monde qui bascule peu à peu dans la guerre civile. Ils comptent sur l’aide de Raznak pour les conduire hors de la cité. Mais peuvent-ils faire confiance à un fou pour échapper aux Cohortes, aux Abbés Speakers et aux hordes de pilleurs ?
La dystopie est un thème de la SF qui n'a rien de très joyeux. Celles que Pierre Pelot publia au mitan des années soixante-dix dans la collection Présence du Futur, sont particulièrement déprimantes. "Fœtus Party" évoque un monde surpeuplé et exsangue où les gouvernements encouragent les tendances suicidaires des citoyens, "La guerre olympique" met en scène des nations s’affrontant au cours d’olympiades où des athlètes dopés et surentrainés risquent leur vie tandis que « Parabellum Tango » nous propose une société typiquement orwellienne.
« Canyon Street » reste dans la même veine. Il s’agit d’une métaphore puissante et corrosive du système capitaliste qui, en échange d'une vie de labeur et d’obéissance, promet une retraite dorée pour les plus méritants. Mais la carotte n'est qu'un leurre. Une fois usés jusqu'à la trame, les travailleurs, tout comme les dissidents, sont réexpédiés dans la géhenne quartmondiste.
Cette vérité, Javeline et Raznak vont la mesurer tout au long du chemin qui les mène au Pays du Grand Ciel. Au gré de leurs rencontres et de leurs découvertes, ils verront s’effondrer les mythes et les fausses promesses de la religion et de la morale sociale, comprenant que l'une et l'autre ne sont là que pour aliéner les masses et leur faire accepter une existence de sacrifices et de privations.
Qu’il nous décrive la ville tentaculaire et ruinée où sont parqués les réprouvés ou la cité modèle qui tourne à vide depuis que l’a quittée la poignée d’élus qu’elle enrichissait, Pierre Pelot suscite des images saisissantes d’un monde déshumanisé par la misère et par l’indifférence. En dépit de scènes d’une violence extrême et d’une ambiance absolument désespérante, son écriture est puissamment évocatrice et, oui, résolument poétique.
Denoël - Présence du Futur - 1978