L'INVISIBLE - JEAN DE LA HIRE
Disons le tout de suite, le principal intérêt de ce roman - le seul ? - est de proposer une suite à « L’homme invisible » de H. G. Wells. Il fallait y penser et c’est ce que l’auteur a fait en se souvenant que le secret de l’invisibilité n’avait pas disparu avec la mort de son inventeur. Ceux qui ont lu le livre de Wells se rappellent peut-être qu’un vagabond s’était emparé des trois volumes dans lesquels le scientifique avait consigné ses recherches et qu’il s’était ensuite évaporé dans la nature. Qu’à cela ne tienne ! Le héros du roman de Jean de la Hire retrouve le bonhomme, s’empare de son trésor et se lance à son tour dans la quête du pouvoir.
Joe Rollon aura beaucoup plus de réussite dans l’accomplissement de ses desseins que le Griffin de Wells. Jean de la Hire se permet d’ailleurs d’égratigner son homologue britannique en soulignant le manque de préparation et de logique de son personnage qui n’a pas anticipé les difficultés que son nouvel état allait lui causer. Le sien en revanche a pensé à tout. Il s’est entouré d’un complice à sa dévotion et a songé à rendre invisible des vêtements et divers objets lui évitant ainsi de se déplacer totalement nu comme ce pauvre Griffin. Il a surtout pris le temps de mettre au point une « formule retour » qui lui permet de reprendre à loisir son apparence normale.
Nous suivons donc Joe Rollon dans son ascension. Nous le verrons tour à tour utiliser son don pour soutirer de l’argent à des spirites amateurs, glaner les informations boursières qui lui permettent de s’enrichir rapidement et accéder enfin au sommet de l’état en utilisant contre eux les secrets de ses adversaires politiques. Il réussira dans toutes ses entreprises et conquerra même la femme de ses rêves en se débarrassant d’un mari gênant…
Alors que je me réjouissais de cette fin assez amorale pour un roman de 1953, l’auteur fait prendre à son histoire un chemin radicalement différent. Le génie du crime se transforme subitement en honnête citoyen. Adieu pouvoir, argent et plaisirs. Il n’est de vrai bonheur que dans le mariage, les enfants et l’exercice d’un emploi au service de la collectivité. Tout cela n’est pas forcément faux mais pour le coup, la métamorphose est aussi totale que décevante ! Tout juste retiendra-t-on que Jean de la Hire arrive à la même conclusion que H. G. Wells, à savoir qu’il est des pouvoirs qu’il vaut mieux laisser hors d’atteinte des hommes.
Jaeger - D'Hauteville - Fantastic - 1953