APPARITION DES SURHOMMES - B. R. BRUSS
Sorti la même année que « Les Plus qu’humains » de Sturgeon, deux ans avant « Les transformés » de Wyndham et seulement 13 années après « A la poursuite des Slans » de Van Vogt, ce roman prouve que la SF française n’a guère perdu de temps pour emboiter le pas aux auteurs anglo-saxons en matière d’histoires de mutants. Avec ce livre, Bruss nous donne en effet sa propre vision du surhomme. Stade ultime de l’évolution humaine, les siens sont supérieurement intelligents et son histoire commence d’ailleurs par la manifestation de leur puissance.
Il nous emmène pour cela en Suisse où un phénomène étrange et inexpliqué vient de survenir. Une barrière invisible autant qu’infranchissable isole du reste du monde la ville de Neufchâtel et ses environs. Impossible d’entrer en communication avec ceux qui sont restés à l’intérieur et que l’on cesse bientôt de discerner à cause de l’opacité qui recouvre peu à peu la zone isolée. Les scientifiques du monde entier se penchent sur l’inquiétant prodige. Les théories les plus farfelues sont avancées mais aucune explication convaincante n’est trouvée. Lorsque la zone opaque se met à s’étendre et que des aéronefs d’une technologie futuriste apparaissent au-dessus des capitales pour réclamer toutes sortes de richesse, les gouvernements du monde entier commencent à prendre peur… Toute cette première partie nous est contée sur un ton résolument impersonnel, un peu comme un rapport administratif ou une leçon d’histoire. Aucun personnage ne vient occuper le devant de la scène, exception faite peut-être du professeur Doorn, le scientifique qui a pris la tête des recherches et qui jouera un rôle important à la fin du roman.
Il faut donc attendre la seconde partie pour voir l’histoire s’incarner en la personne de Georges Bardin, jeune artiste peintre de 25 ans enlevé par les Agoutes (les surhommes en question) et contraint de les servir dans une mystérieuse cité souterraine. A partir de là, le récit consiste principalement dans la relation qu’il nous fait de son existence dans la cité des Agoutes et des merveilles technologiques qu’il y découvre. Mais le plus intéressant reste sans conteste sa rencontre avec leur chef et le récit que ce dernier lui fait de son existence et des circonstances qui l’ont amené à entreprendre la domination du monde.
Cette seconde partie qui se déroule pour l’essentiel sous Terre m’a beaucoup rappelée « La race à venir » d’Edward Bulwer-Lytton. Dans ce vieux roman datant de 1870, il était en effet déjà question d’une race d’humanoïdes extrêmement évolués, également pourvus d’ailes et réfugiés sous Terre dans l’attente de leur avènement. Il s’agissait là encore de nous présenter leur écrasante supériorité scientifique et le récit se terminait sur la promesse d’une confrontation dont l’espèce humaine n’aurait pas lieu de se réjouir.
Or, je ferais à ce roman de Bruss le même reproche que j’avais fait à celui de son illustre devancier. Dans les deux cas le récit manque cruellement d’action. De l’enlèvement du héros jusqu’à son évasion, il se passe fort peu de choses et ce n’est pas son amourette avec une autre captive qui suffit à enflammer l’histoire. Celle-ci à néanmoins le mérite de se terminer sur l’affrontement tant attendu, une bataille aussi rapide que définitive. A votre avis, qui a gagné ?
Le Livre de Poche - SF - 1977