MON VIEUX - THIERRY JONQUET
Thierry Jonquet a l’habitude de nous confronter aux aspects les moins reluisants de notre société. Dans « Mon vieux » il nous parle de nos anciens et du sort, pas très enviable, qui leur est réservé dans les EHPAD, maisons de retraite et autres institutions spécialisées. Situant son roman pendant la canicule de l’été 2003 et l’hécatombe de séniors qui l’accompagna, il met en scène un monsieur tout le monde qui, ne pouvant faire face aux frais d’hospitalisation de son père, songe à commettre l’irréparable.
Sur cette intrigue très légère qui n’occupe finalement que fort peu de pages dans le roman, l’auteur s’emploie surtout à dépeindre la France d’en bas et ces millions de personnes que le moindre incident de parcours - un licenciement, une rupture, la maladie - précipite dans la précarité ou l’indigence. Qu’il s’agisse de Daniel, leRMIste qui perd son logement et sombre dans la délinquance, de Mathurin, l’assistant de vie qui trouve réconfort dans l’alcool ou d’Alain, le scénariste accablé de dettes qui doit choisir entre les soins de sa fille et ceux de son père, tous ses personnages vivent sur le fil et se débattent jour après jours avec les problèmes d’argent, de logement, de santé. Des français très moyens sur lesquels plane le spectre de la clochardisation incarné par Nanard et sa bande d’éclopés dont les tribulations alcoolisées apportent au roman une note d’humour triste et décalé.
« Mon vieux » nous propose aussi une chouette plongée dans le quartier de Belleville si cher à l’auteur, véritable creuset social et culturel où se succédèrent les différentes vagues d’immigration, européenne, maghrébine puis asiatique. Un quartier en pleine mutation où les lofts à bobos remplacent les pâtés de maisons insalubres, parfait exemple de cette société de l’argent roi où les possédants écrasent les démunis et les chassent vers des banlieues toujours plus lointaines.
Editions du seuil - Points - 2005