LA PETITE FILLE QUI AIMAIT TOM GORDON - STEPHEN KING
Pour s'être éloigné du sentier balisé sur lequel elle randonnait en famille, la petite Trisha se retrouve perdue au cœur des Appalaches. Espérant sortir des bois en suivant le cours d'un ruisseau elle va au contraire s'enfoncer davantage dans les profondeurs du massif montagneux, sans équipement ni provisions. Pour retrouver les siens, il va dès lors lui falloir faire preuve de courage et d'ingéniosité et, surtout, surmonter ses terreurs de petite fille.
Je suis perplexe. Je me demande s'il me faut saluer la performance d'un auteur capable de nous raconter sur deux-cent-quatre-vingt pages les mésaventures d'une gamine de neuf ans perdue dans la forêt ou si je dois m'insurger contre un gigantesque "fouttage de gueule". Sincèrement je ne sais que penser. Alors, pour tenter d'y voir plus clair, je vais lister les arguments pour et les arguments contre. On verra après.
Ce qui plaide indiscutablement en faveur de ce livre, c'est son portrait réussi de petite fille courageuse. Parfaitement crédible tant au niveau de son langage, de ses réflexions et de ses réactions, la jeune héroïne occupe avec brio le devant de la scène. Son long monologue intérieur nous fait découvir ses relations avec ses parents divorcés ou des sujets plus légers tels que ses goûts musicaux, ses jeux avec son amie Pepsie, ses profs, bref, tout le petit univers d'une enfant de neuf ans est très bien restitué.
L'aspect « survie en milieu hostile » est également bien abordé. Mister King a potassé le sujet avec sérieux pour déterminer le type de faune et de flore que Trisha peut rencontrer en juillet, dans les forêts du New Hampshire. Ses descriptions sonnent juste et il distille ce qu'il faut de bonnes et de mauvaises rencontres, sans en rajouter. Les guêpes et les moustiques lui rendent ainsi la vie dure tandis que les baies et les graines lui évitent de mourir de faim. Ajoutons-y le froid, l'eau polluée, la diarrhée et la fièvre qui s'ensuivent, tout cela donne à l'histoire un aspect indéniablement plausible.
Mais la vraie bonne idée, c'est d'avoir fait prendre corps aux peurs enfantines de Trisha. Ce monstre que les enfants croient tapis sous le lit ou au fond de l'armoire, la petite fille le sent rôder autour d'elle, acharné à sa perte et se moquant de ses misères. Elle voit sa main dans tous les obstacles qui se dressent sur son chemin et c'est donc autant contre elle-même que contre les éléments qu'elle doit lutter.
Côté contre, je n'ai finalement qu'un seul argument, mais de taille : je me suis copieusement ennuyé. C'est long, long, long à n'en plus finir. A l'instar de la petite Trisha qui espère découvrir derrière chaque arbre un signe de présence humaine, j'ai passé tout le livre à attendre que survienne quelque chose d'excitant, que surgisse un monstre, un pervers, des indiens sur le sentier de la guerre, n'importe quoi pourvu qu'il se passe enfin quelque chose.
Stephen King a oublié que ce qui ne manque pas d'intérêt sur cinquante page, une centaine à la rigueur, devient franchement lassant au-delà. La petite est fatiguée, a faim, froid, peur, est malade, veut son papa, sa maman. Oui, on le comprend aisément. Mais est-ce que ça suffit à faire un livre ? Certains penseront que oui et crieront à la performance littéraire, au génie. Voire. Pour ma part je reste sur un profond sentiment d'ennui. Malgré un bon personnage et un sens indubitable de la narration, le roman de Stephen King est tout de même sacrément creux. Et ce ne sont pas les matchs de base ball que la petite héroïne écoute à la radio (et auxquels je ne comprend foutre rien) qui m'ont aidés à faire passer la pilule !
Mon troisième rendez-vous avec Stephen King est donc encore raté. Ça devient une habitude.
Albin Michel - Livre de Poche - 2002