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25 mars 2020

ALIAS JANNA - MILENA MAKARIUS

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Lorsque sa fille Bojina commence à réaliser un documentaire sur ses origines bulgares, Milena Makarius est ravie de lui proposer son aide. Mais très vite, les relations entre la mère et la fille se tendent et, quand elles découvrent que Milena a été fichée comme agent du régime communiste alors que, jeune étudiante, elle participait à des colloques en tant qu’interprète, la situation s’envenime. Encore sous le choc de la révélation, Milena doit en effet faire face à sa fille qui souhaite se servir de son passé pour illustrer son travail. 

Budapest a eu son insurrection, Prague son printemps, Gdansk ses chantiers et Berlin son mur. Rien de tel à Sofia ou dans le reste de la Bulgarie, ce petit pays des Balkans qui ne s’est illustré ni par sa résistance au grand frère soviétique ni par un excès de zèle. Pourtant les bulgares ont eux aussi subis les rigueurs du totalitarisme stalinien. Le récit de Milena Makarius, même si tel n’est pas son propos, fourmille d’exemples du poids que le pouvoir communiste faisait peser sur son pays. La fiche de caractérisation qui résume tous vos faits et gestes, les interdictions de résidence, les restrictions de voyage et bien sûr, les camps, on trouve tout cela dans son livre. Il s’agit le plus souvent des souvenirs de l’auteur mais également d’histoires ou d’anecdotes qui lui ont été rapportées. Certaines sont amusantes ou rocambolesques d’autres carrément dramatiques, mais elles illustrent toutes les dérives d’un régime autoritaire où la majorité est brimée au seul profit d’un pouvoir dévoyé et d’une élite corrompue.

Tout cela est fort heureusement derrière nous. Pour autant il demeure important d’en garder le souvenir et de tirer les leçons du passé. Encore faut-il pour cela que le regard que l’on porte sur les « démocraties populaires », près de trente ans après la chute du rideau de fer, ne soit pas biaisé. Et c’est précisément là le sujet du livre de Milena Makarius, illustré de fort belle façon par l’incompréhension entre l’auteur et sa fille, entre celle qui a vécu dans la Bulgarie communiste et celle qui ne connaît ce pays et cette époque qu’à travers le prisme de ses études.

L’attitude de Bojina est d’une totale partialité. Son opinion est déjà faite, ses jugements sont péremptoires, définitifs. Il n’y a aucune nuance dans son approche. Les bons sont d’un côté, les méchants de l’autre et ses recherches ne servent qu’à valider ses convictions. Elle ne peut concevoir que l’on ait traversé cette période à peu près normalement, que l’on ait pu étudier, travailler, aimer comme tout le monde. Et si sa mère ne se considère pas comme une victime du régime, c’est donc qu’elle en a bénéficié, qu’elle a collaboré…

Pour autant le projet de Bojina va permettre à sa mère de prendre la mesure des dérives du stalinisme et l’obliger à reconsidérer son passé. Il y a bien sûr la découverte du fichage dont elle a fait l’objet et qui éclaire d’un jour nouveau les relations qu’elle a pu entretenir avec tel ami ou tel collègue. Il y a aussi la prise de conscience que son parcours, relativement épargné, ne fut pas forcément la norme et que tous les bulgares ne sont pas sortis indemnes ce cette période. On peut donc avoir vécu une époque, une situation particulière et ne pas être le mieux placé pour en parler. Il est en revanche bien difficile de juger l’attitude d’autrui sans la connaître parfaitement et sans être passé par les mêmes évènements.

Entre roman et récit autobiographique, « Alias Janna » est un livre passionnant, à la fois témoignage d’une époque particulièrement sombre et réflexion sur la perception que l’on peut avoir de notre passé.

Editions Anne Carrière - 2020

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  • Blog consacré à mes lectures dans les domaines de la fantasy, du fantastique et de la science fiction. Mais comme je ne suis pas sectaire et que mes goût sont assez éclectiques, il n'est pas exclu que j'y parle aussi d'un bon polar ou d'un essai.
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