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5 mai 2019

LES AFFINITES - ROBERT CHARLES WILSON

denoel-lunes13072-2016

C’est grâce au soutien financier de sa grand-mère qu’Adam Fisk peut étudier dans une école d’art de Toronto. Quand elle décède soudainement, il pense un temps à retourner chez son père avec lequel il entretient pourtant des rapports extrêmement tendus. Il trouve heureusement une aide aussi inattendue qu’efficace auprès des membres de la communauté Tau, l’une des 22 affinités révélées par le test de Meir Klein. Intégré à ce nouveau groupe social composé d’individus avec lesquels il partage un même profil psychologique, un avenir vaste et serein semble s’ouvrir devant lui. Mais les vieux pouvoirs politiques et économiques sont-ils prêts à passer la main ? 

« On choisit ses amis mais on ne choisit pas sa famille ». Cette expression de la sagesse populaire aurait pu servir de sous-titre à ce roman tant elle résume parfaitement la situation de son héros. D’un bout à l’autre de l’histoire il est en effet question des relations qu’Adam entretient avec les uns et les autres et de la difficulté de choisir entre liens du sang et liens amicaux. Il faut dire à sa décharge que ses amis sont d’un genre un peu particulier. Sélectionnés comme lui sur des critères scientifiques, émotionnellement et intellectuellement très proches, il paraît effectivement logique que se crée entre eux une certaine alchimie et qu’il soir plus facile de communiquer, de travailler et bien sûr de s’entendre avec des individus qui ont le même profil psychologique que vous. Mais est-ce pour autant le gage d’une vie heureuse ? C’est tout le propos de RCW qui va d’abord nous montrer les avantages de cette fameuse communauté Tau avant d’en dénoncer les mauvais côtés.

La tâche n’est pas difficile quand on considère la famille dont est issu Adam. Entre un père raciste et dominateur qui refuse de lui payer ses études d’art (des études de lopette), un frère violent, une belle-mère effacée et un demi-frère perturbée, on comprend qu’il ait envie d’aller voir ailleurs. Surtout quand vos nouveaux amis solutionnent vos problèmes de logement et d’argent et qu’une charmante jeune femme vous ouvre le chemin de son cœur. Mais leur sollicitude ne s’arrête pas là comme le prouve ce passage où le groupe (la tranche) auquel appartient Adam réagit comme un seul homme à la menace qui pèse sur l’une d’entre eux (un ex jaloux et dangereux). Bref, des gens sur qui compter pour tout et en toute circonstances, quoi de plus rassurant dans une époque dure (crise économique) et un monde dangereux (le conflit indo-pakistanais).

Malheureusement, cette affection qu’ils portent aux membres de leur communauté est si forte qu’il n’en reste plus guère pour les autres. « L’affinité » montre alors sa face sombre : le repli communautaire et l’exclusion des autres. Des autres considérés comme des ennemis ou des concurrents (les membres des différentes « affinités »), ou comme des êtres sans intérêt et vaguement inférieurs, des « brides » qui vous attirent ou vous retiennent hors du groupe. Tout cela est très bien amené sur fond de guerre larvée entre affinités et de menace sur la paix mondiale. Les personnages sont, comme toujours chez l’auteur, particulièrement soignés et même les rôles secondaires ont droit à une belle mise en lumière. Ils ne font pas que jouer les utilités pour faire avancer le récit mais sont également travaillés en profondeur.

« Les affinités » nous offre donc une dystopie très sage. On est bien loin de la SF pure et dure, à peine dans l’anticipation. Et c’est sans doute pour cela que le sujet nous parle tant. A l’heure de la mondialisation et des réseaux sociaux informatisés, Robert Charles Wilson nous invite à nous interroger sur l’émergence de nouvelles communautés fondées sur des concepts différents de ceux de nation, de religion ou de famille. Une idée séduisante mais qui – le roman le démontre – n’exclue pas le communautarisme ou la dérive sectaire. Et puis, n’oublions pas qu’il  n’y a qu’un seul groupe social qui compte vraiment : l’humanité.

Denoël - Lunes d'Encre - 2016

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Commentaires
F
Je note ! (j'avais adoré "À travers temps") :)
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C
Robert Charles Wilson a donné les lettres de noblesse à la SF molle avec ce roman (il y avait déjà Le Guin, mais dans un autre genre). Sa proche anticipation résonne comme un avertissement et j'ai beaucoup aimé son approche de la thématique des réseaux/communautés. Au lieu d'un quelconque cyberpunk, il préfère nous emmener dans des réseaux humaines et nous plonge dans un monde au final assez effrayant, de l'utopie à la dystopie.
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FLEUVE NOIR
fl no
ANTICIPATION

 

 

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  • Blog consacré à mes lectures dans les domaines de la fantasy, du fantastique et de la science fiction. Mais comme je ne suis pas sectaire et que mes goût sont assez éclectiques, il n'est pas exclu que j'y parle aussi d'un bon polar ou d'un essai.
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