LES FLEURS ET LE VENT - HUGUES DOURIAUX
Orbret Afeytah n’a que dix-sept ans lorsqu’il entre au service du seigneur Wyolan Azuka. Affichant d’évidentes dispositions pour l’art de la guerre, il progresse rapidement dans la hiérarchie militaire. Mais l’amour partagé qu’il éprouve pour la concubine de son maître, rend sa position de plus en plus précaire. Alors que certains vassaux de l’empereur entrent en rébellion, Orbret va se retrouver déchiré entre sa fidélité à son seigneur et sa conception de la justice.
"Les fleurs et le vent" n'est pas, loin s'en faut, la première saga historique publiée par Hugues Douriaux pour le compte du Fleuve Noir Anticipation. Elle se distingue néanmoins des précédentes par le fait que le merveilleux en est totalement absent. Il ne s'agit donc pas de fantasy. Il n'y a aucune magie, aucun sorcier, pas plus que de dieu vengeur ou de déesse démoniaque. Les seuls dangers que les personnages auront à combattre sont ceux inventés par les hommes et ils sont déjà bien assez nombreux. Autre différence notable, l'univers dont il est question n'a rien à voir avec ces copies de l'Europe médiévale dans lesquelles il situait ses autres romans.
Ici, c'est du Japon dont il est question, mais un Japon alternatif qui lui permet de s'affranchir de la réalité historique. On n'y parle donc pas de samouraïs ni de geishas et, d'une manière générale, l'auteur ne s'est pas senti tenu d'utiliser un vocabulaire spécifique ni de donner à tout prix dans le "couleur locale". Pour autant on y trouve bon nombre de détails (vestimentaires, cérémoniels...) évoquant le pays du soleil levant. L'état d'esprit des personnages, formaté par les questions d'honneur et de fidélité absolue à une famille ou à un clan, rappelle aussi le Japon de l’époque des Shoguns.
Parmi ces personnages il y a Orbret. Le récit s'articule autour de lui et c'est son histoire qui, telle une légende en marche, nous est contée. Nous le suivons sur une période d’une vingtaine d’années qui le verront passer du jeune guerrier impétueux qui ne rêve que gloire et combats au soldat mature qui a compris que seul compte la valeur de la cause que l’on défend. C’est d’ailleurs la grande réussite de ce roman que de parvenir à rendre le cheminement intérieur du héros au moins aussi intéressant que ses exploits guerriers. Même sa vengeance contre celui qui l’aura poursuivi de sa haine pendant toute son existence, ne constituera pas le climax du roman.
Pour autant, la guerre et les combats sont bel et bien au centre de l’histoire. La rivalité entre les seigneurs de la guerre et leurs révoltes incessantes contre l’autorité de l’empereur sont cause de nombreux conflits. Il y a donc quantité de batailles, d’embuscades et de duels. Hugues Douriaux se montre très à l’aise dans ce registre. Ses descriptions sont particulièrement immersives et, qu’il s’agisse du siège d’une citadelle ou d’une simple escarmouche, il sait restituer l’âpreté des combats avec son cortège d’émotions et de souffrances.
Ces épisodes guerriers sont heureusement entrecoupés de passages plus calmes où il est question de politique bien sûr, mais aussi d’amour. La romance entre Orbret et Zelmiane constitue un peu le fil conducteur de l’intrigue. Les deux amants cherchent chacun à leur manière à échapper aux obligations de leur rang et à la rigueur de leur statut. L’accomplissement de leur idylle sera donc aussi celui de leur quête de liberté.
De facture très classique, « Les fleurs et le vent » est l'un des tout meilleurs roman de l'auteur, l’un des plus maîtrisés grâce notamment à la profonde humanité de ses personnages dont il rend parfaitement les états d'âmes et les réflexions.
Fleuve Noir Anticipation - 1991