BLIND LAKE - ROBERT CHARLES WILSON
Grace à une technologie quantique encore mal maîtrisée, il est désormais possible d’observer des planètes extrêmement lointaines. A Blind Lake, les scientifiques s’intéressent à une planète située à 50 années lumières de la Terre et plus précisément à l’un de ses habitants : le « sujet ». La routine des chercheurs va se trouver brusquement balayée par deux évènements. Blind Lake est subitement mis en quarantaine et le » sujet » se lance dans ce qui ressemble à long pèlerinage. Y-a-t-il un rapport entre les deux ? Un trio de journalistes et quelques chercheurs vont se retrouver au cœur de bien grands bouleversements.
Cela devient désormais une habitude mais à chaque fois que je chronique un roman de Robert Charles Wilson, je ne peux m’empêcher de louer la façon exceptionnelle dont il donne vie à ses personnages. C’est particulièrement vrai pour « Blind Lake » qui se présente sous la forme d’une sorte de huis-clos dans lequel quelques milliers d’individus, dont une bonne dizaine de premiers rôles, se retrouvent prisonniers d’un complexe scientifique sans connaître les raisons de leur isolement. Une situation extrême qui va générer une chaîne de réactions qui ne le seront pas moins.
Le traitement tout de finesse et de précision dont bénéficient les personnages permet une immersion réussie au sein de cette micro société. Tout au long de son récit l’auteur distille indices et révélations sur le passé de chacun d’eux. Cela contribue à nous les rendre particulièrement proches et l’on a tôt fait de faire nôtre leurs angoisses et leurs espoirs. Le journaliste en quête de rédemption, la mère divorcée en butte aux avanies que lui fait subir son ex, l’adolescente perturbée et tous les autres sont extrêmement convaincants. Même le méchant de l’histoire sonne vrai. Il ne représente pas l’incarnation du mal absolu mais juste un homme comme les autres avec ses ambitions et ses démons. La tension presque permanente, la menace diffuse, le danger qui peut venir de l’extérieur comme de l’intérieur, vont transformer chacun d’eux et révéler les caractères…
J’ai en revanche été beaucoup moins convaincu par l’argument science-fictif du roman. Si nous faire pénétrer l’univers de chercheurs occupés à étudier une lointaine planète et ses habitants est plutôt une bonne idée, les explications fournies sur la technologie utilisée et l’interaction éventuelle entre les deux mondes m’ont parus bien confuses. De plus, on s’attend à une révélation tellement fantastique que l’on ne peut s’empêcher d’être légèrement déçu par la chute de l’histoire. Pourtant, elle s’accorde plutôt bien avec le récit en ce sens qu’elle nous renvoie au même mirage que celui dans lequel se complaisent les chercheurs de Blind Lake.
Et si RCW suscite finalement plus de questions qu’il ne donne de réponses, il nous aura au moins permis de nous frotter à quelques-uns des problèmes auxquels sont confrontés les scientifiques. Il pose notamment l’intéressante question de savoir dans quelle mesure l’observation influe sur le sujet observé et si les observateurs n’auraient pas une fâcheuse tendance à s’abuser eux même, emportés par leurs souhaits ou trop sûr du résultat escompté. Une histoire qui en dit long sur les fantasmes de l’homme quant à ce que l’univers lui cache encore.
Gallimard - Folio SF - 2009