LE GRAND MEAULNES - ALAIN-FOURNIER
François Seurel entame sa dernière année à l’école communale de Sainte-Agathe dont son père est le directeur. L’arrivée dans sa classe d’Augustin Meaulnes, un grand adolescent attachant et fantasque va bouleverser son quotidien. Ce dernier l’entraîne en effet dans sa recherche d’une mystérieuse jeune fille entrevue l’espace de quelques heures dans un étrange domaine peuplé d’enfants où il accéda par hasard après s’être perdu.
Oui, je sais, « Le grand Meaulnes » est un roman qu’on lit habituellement à l’adolescence, le plus souvent dans le cadre scolaire. Mais que voulez-vous, ma culture littéraire a des lacunes que je m’efforce de combler quand bien même la cinquantaine approche dangereusement. J’ai donc essayé de retrouver mon âme d’enfant l’espace de quelques heures pour apprécier au mieux cette histoire de passage à l’âge adulte et je dois dire que je ne suis pas resté insensible au charme qui se dégage de cette œuvre assez surprenante où se mêlent régionalisme, symbolisme et onirisme,
« Le grand Meaulnes" est une formidable illustration de l’enthousiasme juvénile, de la recherche de l’amour et de la quête d’absolu des adolescents. Augustin, Franz et dans une moindre mesure François sont des jeunes gens avec une sensibilité à fleur de peau. Tout leur est motif à exaltation. Une partie de campagne, l’arrivée d’une troupe de saltimbanques, un nouveau venu dans la classe suffisent à enflammer leur imagination et sublimer leur quotidien. Ce faisant, ils cherchent autant à s’amuser et stimuler leur potentiel imaginaire qu’à retarder leur entrée dans le monde adulte dont ils pressentent qu’il leur réserve une vie terne et monotone. Ils préfèrent fantasmer, s’illusionner, se mentir à eux-mêmes plutôt que d’accepter une triste réalité.
Bien sûr, les personnages de Fournier sont excessivement romantiques. Ils sont prêts à toutes les extrémités, tous les sacrifices pour conquérir leur belle ou respecter un serment. Mais, si l’on excepte ce romantisme un peu daté, sont-ils vraiment si différents de nos ados d’aujourd’hui au caractère parfois si entier, si intransigeant ? Pas sûr. En revanche il y a peu de chances que ces derniers se retrouvent dans les aventures de nos trois héros parce que, franchement, à l’époque des réseaux sociaux et de Google Map, ils trouveraient en un tournemain Yvonne, Valentine et le Domaine Mystérieux ! Sans doute était-il beaucoup plus facile de rêver en ces temps où l’on connaissait à peine le pays situé à une journée de marche de chez soi et où l’étranger, le bohémien, représentait à lui seul un monde de mystère et de nouveauté.
Quant à moi, c’est justement cette atmosphère surannée qui m’a plu. Cette plongée dans la France d’il y a un siècle et sa belle évocation de la campagne solognote avec son petit peuple de paysans, d’ouvriers et de boutiquiers est tout à fait charmante. Les chevauchées en carrioles ou à vélo, la vie d’une école communale, les occupations des uns et des autres témoignent avec beaucoup de finesse et de poésie d’une époque désormais bien lointaine.
Gallimard - Folio - 2009