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11 juin 2018

LE DECHRONOLOGUE - STEPHANE BEAUVERGER

foliosf390-2011

1640, l’Espagne occupe et exploite d’une main de fer le nouveau monde d’où elle tire les richesses qui lui permettent de dominer l’Europe. Comme des guêpes attirées par le miel, les pirates de tous horizons infestent les eaux des Caraïbes et harcèlent les navires espagnols. Parmi ceux-là, le capitaine Henri Villon s’est taillée une solide réputation et son savoir-faire est souvent réclamé pour les coups de main les plus audacieux. Alors qu’il prête son concours à un projet pour s’emparer de Tortuga, des évènements étranges vont contrecarrer ses plans…  

« Le déchronologue » est la preuve incontestable que l’on peut encore faire du neuf avec les bonnes vieilles histoires de pirates. Certes, Stéphane Beauverger a agrémenté la sienne d’un soupçon de SF, mais qu’on ne s’y trompe pas, c’est bel et bien la grande époque des corsaires et des flibustiers qui est au centre de son roman. Et c’est de fort belle manière qu’il fait revivre les Caraïbes du XVIIème siècle. Tout y est, les riches cités d’or, les galions bourrés de pistoles, les amérindiens qui subissent le joug espagnol et bien sûr les fameux « frères de la côte » qui jouent leur fortune et leur vie à chaque abordage.

En fait, on a presque le sentiment de lire un texte écrit par un spécialiste du roman maritime, un Cecil Forester ou un Alexander Kent, tant le sens du détail y est important. L’auteur a manifestement réalisé un gros travail de recherche pour donner autant de réalisme à son récit. Tout sonne juste, du vocabulaire d’époque aux termes techniques de la marine à voile en passant par des scènes de combats navals à couper le souffle jusqu’aux descriptions très précises d’un campement de boucaniers, d’un palais colonial ou d’une geôle. C’est criant de vérité. On est totalement immergé dans cette époque flamboyante et sordide et c’est avec le plus grand intérêt que l’on regarde les personnages évoluer dans ces décors bien dépaysant.

On le fait d’autant plus aisément que l’irruption du futur dans le quotidien de nos personnages se fait de manière très progressive. D’abord anodine la présence des « maravillas » ne change pas grand-chose à la vie des hommes et des femmes du XVIIème siècle. Boites de conserve ou pénicilline améliorent certes leur ordinaire mais sans bouleverser leur mode de vie ni influencer le jeu politique. Il en va en revanche tout autrement quand apparaissent des objets plus sophistiqués ou aux implications militaires évidentes (radios, armes…). L’équilibre des forces se trouve alors rompu et la réalité historique fait place à l’uchronie. Le récit s’emballe. Les espagnols perdent de leur superbe, font face à une révolte indienne et à l’appétit des pirates français tandis qu’une menace plus grande encore rôde dans les eaux turquoises de la mer des Caraïbes.

Le destin de nos héros s’en trouve aussi grandement modifié. Ces bouleversements vont leur permettre selon le cas de réaliser leurs ambitions ou de se transformer en dernier rempart contre les incursions d’un futur insaisissable et dangereux. Et ils sont nombreux à se tirer la bourre entre Tortuga et Hispaniola. Nous avons là un gouverneur retors, un fier commandant espagnol qui voit son univers et ses certitudes s’effondrer, un boucanier haut en couleurs et des pirates de tout poil. Et que dire de Henri Villon, narrateur et personnage principal du roman, de ses envolées lyriques presque aussi poétiques que celles de son illustre homonyme, capitaine de fortune qui noie ses remords et ses déceptions dans la vinasse et le tafia et qui nous conte sa destinée d’une manière merveilleusement cynique et profondément désabusée.

Un mot enfin de la construction du roman. Une construction déstructurée qui ne respecte pas la chronologie et qui en gênera sans doute certains. Ceux-là consulteront avec profit l’index du roman qui permet de rétablir si besoin l’ordre chronologique. Les autres feront confiance à l’auteur et ne s’en porteront pas plus mal. C’est ce que j’ai fait et il m’a semblé que, loin d’être une simple coquetterie, cette « trouvaille » permettait de renforcer l'impression de désordre temporel dans lequel se débattent les personnages et nous donnait une petite idée de leur désarroi.

Tout cela nous donne un roman passionnant et orignal qui revisite avec panache le roman d’aventures maritimes et vous donne des envies d’iles au trésor et de Robinsons. A découvrir.

Gallimard - Folio SF - 2011

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Commentaires
T
J'ai pas mal tourné autour. Voilà qui pourrait finir de me décider.
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P
Bonjour , j'en avais entendu parler , du coup je le note ....
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FLEUVE NOIR
fl no
ANTICIPATION

 

 

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  • Blog consacré à mes lectures dans les domaines de la fantasy, du fantastique et de la science fiction. Mais comme je ne suis pas sectaire et que mes goût sont assez éclectiques, il n'est pas exclu que j'y parle aussi d'un bon polar ou d'un essai.
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