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25 février 2018

VENUS PLUS X - THEODORE STURGEON

tsf26

Lorsqu’il se réveille après ce qui ressemble à un long cauchemar, Charlie Johns découvre avec stupeur qu’il a été catapulté dans un lointain futur où hommes et femmes ont laissé place aux ledoms, une race androgyne extrêmement évoluée. Accueilli avec chaleur et gentillesse, il va de découvertes en révélations avant de soupçonner ses charmants hôtes de dissimuler des intentions peut-être moins désintéressées qu’il n’y parait.

Presque tous les romans de Theodore Sturgeon s’intéressent aux relations humaines et au vivre ensemble. Avec toujours beaucoup de sensibilité, il y prône la tolérance et appelle à surmonter toutes les différences, qu’elles soient fondées sur le physique (Cristal qui songe) ou sur le mental (Les plus qu’humains). Ici, c’est aux relations hommes/femmes qu’il s’intéresse et, dans une moindre mesure, à l’amour et à l’éducation que nous donnons à nos enfants.

Avec « Vénus plus X », il nous propose une histoire un peu déconcertante puisqu’elle alterne de longs passages dans un monde futuriste et d’autres, plus courts, se déroulant à notre époque ou du moins celle de l’auteur lorsqu’il écrivit son roman. La première n’a a priori rien de particulièrement surprenante. L’auteur utilise la trame ultra-classique de l’homme du XXème siècle (ou du XXIème, j’ai souvent tendance à oublier que nous avons changé de siècle et de millénaire !) confronté à une société nettement plus développée que la sienne. Nous sommes cette fois en présence d’un voyageur du temps projeté à son corps défendant dans un lointain futur et qui constate que la Terre et ses habitants ont bien évolués.

Il faut dire que ce qu’il découvre a de quoi l’étonner. Le monde Ledom surprend autant pas ses manifestations architecturales et technologiques que par le mode de vie de ses habitants. On est en présence d’une sorte d’utopie new age, une société un peu naïve où les hippies seraient parvenus à imposer leurs vues : vie pastorale, méditation de groupe, collectivisme… Un retour à la nature et à la simplicité toutefois tempéré par une science incroyablement avancée. Le premier tiers du roman est d’ailleurs pour une bonne part consacré à la description de toutes leurs inventions dont les plus fascinantes sont les Champs-A, des champs de force utilisés pour les déplacements, les constructions et la médecine, et le cérébrostyle qui permet d’acquérir n’importe quelle connaissance en quelques minutes.

Mais le caractère le plus étonnant de la société Ledom réside dans le fait que tous ses membres sont hermaphrodites. Un particularisme considéré par ce peuple étrange comme un gage de stabilité et de bonheur car, ainsi que l’un d’entre eux le rappelle au héros, l’histoire de l’humanité prouve la propension de l’être humain à tyranniser ses semblables et celle de l’homme à dominer son pendant féminin. Il nous rappelle aussi comment nous sommes conditionnés dès notre plus jeune âge avec des jouets, des vêtements et des activités genrés : les poupées, les robes et la cuisine pour les filles, les voitures, les pantalons et le foot pour les garçons.

Ce discours qui pourrait sembler à certains très théorique et légèrement pontifiant est fort justement étayé par les passages qui se déroule aux States à notre époque. Ce deuxième fil narratif nous montre en effet un couple d’américains moyens dans quelques scènes de leur vie quotidienne. On y suit notamment un père de famille qui se rend progressivement compte que son attitude vis-à-vis de sa femme et de ses enfants est empreinte de sexisme. Et par sexisme j’entends non pas la discrimination dont sont victime les femmes, laquelle n’est malheureusement plus à démontrer, mais le simple fait de se comporter différemment en fonction du sexe de son interlocuteur ou de son vis-à-vis. Une scène du roman illustre parfaitement cette idée. On y voit un père souhaiter bonne nuit à ses enfants, embrasser sa fille en lui disant combien il l’aime puis serrer la main de son fils et le quitter sur un viril « Bonne nuit mon gars ». Ce passage prouve à quel point nos attitudes et nos comportements sont imprégnés par cette distinction homme/femme alors même qu’il y a, entre l’un et l’autre, beaucoup plus de similitudes que de différences.

Alors la société Ledom est-elle le bon remède à cette « guerre des sexes » ? Assurément non ! Au lieu de travailler à leur rapprochement, à une meilleure compréhension entre les hommes et les femmes et à des relations fondées sur le respect mutuel, les ledoms ont préféré supprimer la différence et créer des citoyens androgynes. Une solution radicale qui ressemble tout de même beaucoup à un constat d’échec.

« Vénus plus X » rebutera peut-être ceux qui préfèrent l’action à la réflexion. Et pourtant, ce roman vaut vraiment la peine de s’accrocher ne serait-ce que pour sa chute qui nous réserve une kyrielle de surprises.

Jean-Claude Lattès - Titres SF - 1980

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  • Blog consacré à mes lectures dans les domaines de la fantasy, du fantastique et de la science fiction. Mais comme je ne suis pas sectaire et que mes goût sont assez éclectiques, il n'est pas exclu que j'y parle aussi d'un bon polar ou d'un essai.
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