LA FILLE DU CAPITAINE - ALEXANDRE POUCHKINE
Jeune noble tout juste entré dans la carrière militaire, Pierre Griniev est envoyé dans une petite ville de garnison sur les bords du fleuve Oural. Alors que, loin des plaisirs de Saint Petersbourg, il pense sombrer dans l’ennui le plus profond, deux évènements vont le sortir de sa torpeur : son amour pour Macha, la jolie fille du commandant de la petite place forte et la révolte des cosaques menés par le terrible Pougatchev.
Mes connaissances en matière de littérature russe sont proches de zéro. J’ai bien lu deux bouquins de Nabokov mais comme le loustic a tourné ricain j’hésite à les comptabiliser. J’ai ensuite lu ce superbe pamphlet anti-stalinien qu’est « Une journée d’Ivan Denissovitch » de Soljenitsyne et, plus près de nous, j’ai tâté du post-soviétisme avec l’étonnant Viktor Pellevine. Mais en matière de classiques, exception faite du « Double » un Dostoievski mineur qui ne m’a laissé presque aucun souvenir, mon carnet de chasse est désespérément vierge. Pas un Tolstoï, pas le moindre Tourgueniev, pas même un petit Tchekov pour sauver l’honneur.
Alors, pour combler cette lacune vaste comme la Sibérie, j’ai décidé de me taper un petit Pouchkine qui, contrairement à ce qu’a pu prétendre certain chanteur à cravate à poix, n’est pas un café moscovite mais le petit père de la littérature russe moderne. Mon choix s’est porté sur la plus romanesque de ses œuvres et c’est une décision que je n’ai pas regrettée puisque je me suis retrouvé embarqué dans un roman historique qui n’a rien à envier à ceux de notre Alexandre Dumas national.
« La fille du capitaine » est une histoire d’amour toute simple sur fond de révolte des cosaques. Il y a de l’épique et du dramatique, de l’humour et de l’émotion le tout sur un rythme enlevé qui ne laisse pas beaucoup de temps pour l’introspection. Et pourtant, les personnages sont beaucoup plus profonds et signifiants qu’il n’y parait d’abord.
Je ne parle pas du triangle amoureux Griniev/Macha/Chvabrine qui campent des individualités beaucoup trop conventionnelles, héros fidèle et courageux, jeune vierge dévouée et traître infâme et libidineux. Je ne pense pas non plus au brigand Pougatchev ou à la Grande Catherine, personnages bien réels que l’auteur a incorporé à son récit pour lui donner un peu de consistance historique et qu’il semble étrangement placer sur un pied d’égalité en les montrant l’un et l’autre faire preuve tout à tour de la même sévérité et de la même mansuétude. Non, les personnages les plus intéressants, ceux qui font vivre cette Russie du XIXème siècle et donnent au roman son authenticité, sa verve et sa saveur, ce sont les seconds rôles.
Il y a d’abord papa et maman Grinev qui illustrent parfaitement cette caste de riches propriétaires terriens libéraux, francophiles et éclairés mais néanmoins attachés à leurs privilèges (leur richesse se compte en âmes c’est-à-dire en serfs). Il y a ensuite le couple Mironov dans lequel madame semble porter la culotte jusqu’à ce que les circonstances révèlent le courage du Capitaine et l’amour de son épouse. Il y a enfin Savélitch, le serviteur du jeune Griniev, dont les récriminations incessantes à l’égard de tout un chacun apportent au roman sa petite note d’humour.
Signalons enfin que l’action est bien présente avec rien moins qu’un duel, un assaut et un siège dans les règles de l’art, le tout dans les superbes paysages enneigés des plaines de l’Oural.
Le Livre de Poche - Classiques