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SF EMOI
5 février 2016

BARRIERE MENTALE - POUL ANDERSON

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Un mystérieux phénomène astronomique fait sortir  la terre d’un champ électromagnétique qui jusqu’alors jugulait l’activité cérébrale de tous les êtres vivants de la planète. Libérés de cette contrainte l’intelligence des hommes comme des animaux se retrouve décuplée. Mais sont-ils prêts à affronter les chamboulements qui vont en découler. 

« La science-fiction n’est pas seulement une sous-littérature d’aventures pleine de petits hommes verts et de fusées interplanétaires, de rayons de la mort et de créatures de cauchemar venues de planètes lointaines. C’est aussi, c’est de plus en plus un moyen pour l’homme de s’interroger sur lui-même ». Cette petite phrase signée Serge de Beketcht tirée de la préface de ce roman exprime parfaitement ce je pense de la science-fiction, à savoir un genre littéraire qui divertit mais sait aussi donner à réfléchir.

Et distraire et faire réfléchir, c’est précisément ce que Poul Anderson parvient à faire dans ce livre. Il ne se contente pas de décrire les conséquences plus ou moins surprenantes d’un soudain surcroit d’intelligence, les inventions nouvelles, les voyages dans l’espace ou les réactions d’animaux désormais doués de raison. Il s’intéresse aussi à la façon dont cet évènement modifie les rapports humains et les systèmes sociaux alors en place. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce supplément de cervelle s’apparente davantage à une malédiction qu’à un cadeau des dieux et les personnages de cette histoire vont en faire l’amère expérience.

D’abord, l’intelligence ne s’accompagne pas forcément d’une élévation de la force morale. Ainsi que le dit fort justement l’un des personnages, « C’est triste de constater à quel point l’intelligence et la raison ne vont pas de pair. » Les hommes restent la proie de leurs passions et de leurs habitudes. Un voleur demeure un voleur, un escroc reste un escroc. Ils ont simplement davantage d’aptitudes pour accomplir leurs méfaits.

Secundo, les hommes et les femmes prennent conscience de leur petitesse au regard de l’infini de l’univers. « Un monde entièrement nouveau s’était ouvert aux yeux de l’homme, rempli de visions, de concepts, de pensées qui bouillonnaient en lui de façon spontanée. Il avait vu l’inanité de sa vie sans objet, la trivialité de son travail, l’étroitesse des croyances et des conventions régissant son existence, et il avait abandonné tout cela ». Plus question de continuer à vivre comme par le passé. Ils aspirent à une vie plus stimulante, à des tâches plus nobles. Les emplois subalternes sont abandonnés, plus personne pour travailler aux champs ou dans les usines. Les fonctions d’encadrements ne séduisent guère plus, les entreprises puis les nations ne sont plus dirigées. La pagaïe s’installe, l’anarchie se répand.

Ce bouleversement psychologique et sociétal nous est conté par le biais de deux fils conducteurs. Nous suivons d’une part les faits et gestes d’un groupe de scientifique new-yorkais qui décide de prendre en main la destinée de leurs concitoyens et d’autre part les réactions d’un paysan un peu simplet (devenu un homme d’une intelligence moyenne) autour duquel se crée une communauté de faibles d’esprits. Soyons clairs, les évènements narrés dans l’un et l’autre cas ne sont pas particulièrement captivants. Quelques épisodes de realpolitik , un voyage interstellaire et deux ou trois saynètes campagnardes constituent l’essentiel des péripéties. C’est d’autant plus regrettable que l’auteur a abandonné en cours de route d’autres pistes fort prometteuses telles que la révolte des animaux qui n’acceptent plus leur vie d’esclave ou de boucherie ou bien celles des peuples colonisés qui se révoltent contre leur oppresseur.

Heureusement, la fadeur de l’intrigue est compensée par un questionnement quasi permanent sur l’homme, sa raison d’être, sa place et son rôle dans l’agencement de l’univers. La disparition progressive de sa part d’animalité et des plaisirs qui y sont liés (la nourriture, le sexe…) amène les hommes à repenser leur existence et à se conduire en purs esprits, quasi désincarnés, des sortes de dieux qui auraient désormais pour mission de veiller sur les autres races intelligentes qui parsèment la galaxie.

J’ai aussi particulièrement apprécié les efforts de l’auteur pour trouver des exemples concrets de manifestations de cet intellect surdéveloppé. Il se concentre surtout sur ses effets sur le langage mais envisage également d’autres conséquences telles que l’abandon de la propriété privée ou de la mode vestimentaire considérés comme futiles ou encore un véritable respect de la vie animale avec l’avènement du régime végétarien.

Alors, malgré un ton un peu daté et une légère impression de survol ce roman est bien « la passionnante méditation sur l’homme, sur la fragilité des systèmes sociaux et sur les remèdes que l’Homme peut apporter aux maladies qu’il engendre » que nous annonçait le décidément très perspicace Serge de Beketch.

Le Masque - Science-Fiction - 1974

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Commentaires
L
C'est une collection qui s'est contentée de faire des rééditions. De la SF parfois un peu datée mais tout de même quelques très bonnes choses : "Les furies" de Keith Roberts, le "cycle de Zeï" de Sprague de Camp, les romans d'Edmund Hamilton et tant d'autres...
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P
Je n'ai presque rien lu de cette collection , je n'accroche vraiment pas ....<br /> <br /> Bon week-end pote ...:)
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FLEUVE NOIR
fl no
ANTICIPATION

 

 

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  • Blog consacré à mes lectures dans les domaines de la fantasy, du fantastique et de la science fiction. Mais comme je ne suis pas sectaire et que mes goût sont assez éclectiques, il n'est pas exclu que j'y parle aussi d'un bon polar ou d'un essai.
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