LA LIBELLULE DE SES HUIT ANS - MARTIN PAGE
Partant de l’idée que tout le monde a quelque chose à cacher et que certains sont prêt à tout pour garder leurs secrets, Fio adresse au petit bonheur des courriers anonymes avec cette seule mention : « Nous savons ce que vous avez fait, vous avez une semaine pour payer ». La rançon devant être déposée au parc des Buttes Chaumont, elle prend l’habitude de venir y peindre pour surveiller les versements sans se faire remarquer. Elle est alors loin d’imaginer que ses tableaux vont attirer l’attention d’un influent critique d’art.
On ne devrait jamais se fier à la quatrième de couverture. Celle de ce livre laissait espérer une amusante intrigue policière et ses conséquences inattendues. Malheureusement, cette histoire de chantage à l’aveugle qui promettait quelques situations croquignolesques tourne court et très vite le roman se transforme en une critique du monde de l’art.
Martin Page fait rencontrer à son héroïne à peu près tout ce que ce microcosme compte de professionnel ou de personnalités et, avec un humour redoutable, règle le compte d’individus jugés creux et superficiels. Aucun n’est épargné et la critique est parfois acerbe. En voici quelques exemples :
L’attaché de presse : « Il exerçait un métier qui ne lui laissait le choix qu’entre l’hypocrisie et le cynisme »,
Le journaliste : « L’important est qu’ils aient des choses à baver dans leurs journaux, qu’ils écrivent, pondent des pages pour démontrer leur intelligence »,
Le critique : « Il tirait avec des mots, perpétrait des petites horreurs en première page des journaux, massacrait dans les salons, principalement l’art dont il se voulait le chevalier blanc »,
Le mondain : « Il était de ce genre de vide qui déborde, ce vide gonflé d’idées et de vêtements ».
Et ainsi de l’artiste, du grand couturier, du marchand d’art et du designer. Tout cela n’est pas désagréable. Certaines réflexions sont même assez pertinentes et les piques de l’auteur font presque toujours sourire. On a cependant la désagréable impression qu'il s'écoute parler, qu'il juge à l'avance de l'effet que produiront ses saillies bref, qu'il se conduit un peu comme ceux qu'il s'emploie à critiquer.
Il est vraiment dommage que son roman ait pris ces allures de recueil de bons mots. Les premiers chapitres baignaient dans une atmosphère quasi surréaliste grâce à un style poético-humoristique qui n'est pas sans rappeler celui d'un Pennac ou d'un Teulé. Nous y faisions connaissance avec son héroïne et quelques autres personnages passablement barrés et espérions encore que l'histoire conserverait ce ton jusqu'au bout. Hélas non !
J'ai Lu - 2004