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7 août 2015

LE VOYAGE D'ANNA BLUME - PAUL AUSTER

 

actessud950-1995

Partie quelques années plus tôt chercher son frère dans un pays qui a sombré dans le chaos et la misère, la jeune Anna Blume survie depuis dans des conditions apocalyptiques. Elle décide un jour de conter son histoire à un ami d'enfance dans une longue lettre qui ne lui parviendra probablement jamais.

J'ignore qui du traducteur ou de l'éditeur a choisi le titre français de ce roman mais ce fut une belle erreur. L'histoire d'Anna Blume commence en effet alors qu'elle a déjà atteint ce "Pays des choses dernières" qu'évoque le titre original. S'il y a voyage, c'est donc un voyage immobile, un cheminement intérieur que l'héroïne accomplit.


Ce pays où vit désormais Anna, ou plutôt cette ville, est un bien étrange endroit. On ne sait pas où elle se situe exactement même si quelques allusions laissent supposer que c'est en Amérique. Cela n'a toutefois guère d'importance. Ce qui compte, c'est ce qui s'y passe, c'est l'état de délabrement généralisé où elle se trouve et dans lequel se débattent ses habitants. On ignore aussi l'origine de cette situation catastrophique mais l'Effondrement, comme le nomme les citadins, a sans doute plusieurs causes : économique assurément mais aussi climatique (hivers incroyablement rigoureux) et peut-être même chimique (absence de naissances).


Le premier tiers du roman, très immersif, fourmille de détails. Paul Auster n'avait sans doute pas prévu d'écrire un roman de Science-Fiction pourtant son récit a tout de la dystopie post-apocalyptique. Je lui ai même trouvé bien des ressemblances avec les bouquins de Serge Brussolo notamment dans sa description des différentes corporations et sectes qui prolifèrent dans la cité. Il y a d'abord de nombreuses associations de suicidaires comme les Coureurs qui se livrent à un jogging mortel ou les Sauteurs qui se jettent des plus hauts immeubles ainsi que des cliniques d'euthanasie qui font penser à celles de "Soleil vert" ou encore ces Clubs d'Assassinats qui rappellent le bureau du même nom imaginé par Jack London. Il y a ensuite des groupes religieux aux noms et aux croyances les plus fous tels les Tout-sourires ou les Rampants. Il y a enfin quelques rares professions dont les Fécaleux chargés de récupérer les déchets biologiques pour les transformer en méthane et les Charognards qui, dans ce monde qui ne créée plus grand chose, vivent de récupération.


Anna est justement l'une d'entre eux. Nous la suivons dans ses tournées à travers les différentes "zones de recensement", poussant le caddie dans lequel elle entasse ses maigres trouvailles, se défiant des voleurs et des concurrents pour gagner à peine de quoi se nourrir et même pas de quoi se loger. Une vie de misère et d'incertitude, jour après jour plus difficile. C'est d'abord le confort qui disparaît, puis l'utile, le nécessaire et enfin le vital. La précarité devient la règle et l'insécurité le lot de tous. Pourtant, les habitants de la cité s'habituent à ces conditions et s'adaptent à la détérioration de leur environnement. Ils continuent à espérer et font tout leur possible pour s'assurer une journée d'existence supplémentaire, puis une autre et une autre encore.


On se demande alors s'il faut s'émerveiller de cet acharnement à vivre ou si cela dénote au contraire une incroyable passivité face aux évènements, une sorte de renoncement à faire changer les choses. Il y a bien quelques émeutes lors des distributions de nourriture par exemple, mais jamais de révolte qui viendrait réformer la société en profondeur et la remettre sur de bons rails. Il est sans doute bien difficile de penser à faire bouger les choses lorsque la survie quotidienne occupe votre temps et vos pensées, néanmoins cette régression matérielle et culturelle, ce lâcher prise généralisé a quelque chose d'effrayant.


Heureusement, ce recul n'efface pas totalement les sentiments altruistes. L'amour, l'amitié, le dévouement subsistent encore. Pour Anna, ils se pareront des noms de Sam, Isabelle et Victoria, preuve qu'il est toujours possible de trouver un peu de bien au milieu du pire.

Actes Sud - Babel - 1995

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Commentaires
L
Pourquoi ?
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P
Hihi , quel blaireau le Fantasio...:/
Répondre
L
Un achat que tu ne regretteras pas.
Répondre
F
Commandé ! :D
Répondre
F
Tiens, un Paul Auster que je ne connais pas. Je note bien sûr... ;)
Répondre

FLEUVE NOIR
fl no
ANTICIPATION

 

 

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  • Blog consacré à mes lectures dans les domaines de la fantasy, du fantastique et de la science fiction. Mais comme je ne suis pas sectaire et que mes goût sont assez éclectiques, il n'est pas exclu que j'y parle aussi d'un bon polar ou d'un essai.
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