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22 mars 2014

LA FLECHE JAUNE - VIKTOR PELEVINE

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Un train sans fin circule à travers une contrée indéterminée vers une destination inconnue. A son bord, des voyageurs qui vivent sans se préoccuper de l'absence d'arrêts, mangent, dorment, travaillent. Seuls Andreï et son ami Khan semblent se poser des question...

Dans les romans de Science-Fiction, un vaisseau-monde est un engin spatial gigantesque affrété pour un voyage d'une durée indéterminée et qui emporte dans ses flancs une population nombreuse avec tout ce qui est nécessaire à sa survie. "La flèche jaune" m'a fait penser à ce type de vaisseau. Un train-monde. Un convoi gigantesque dont on ne voit ni le début, ni la fin, parti pour on ne sait où ni pour combien de temps.

Le roman de Pelevine a un côté surréaliste très marqué et parfaitement assumé. Une sorte de Brazil sur rails. Il se résume à une suite de déambulations dans les différents wagons et aux rencontres qui s'ensuivent. Andreï, le narrateur, semble être le seul voyageur à avoir conscience du dehors et à s'interroger sur sa condition. Il multiplie les contacts et explore les compartiments, du wagon restaurant aux toits des voitures. Ce faisant il nous fait découvrir un univers étrange qui en rappelle un autre, bien réel celui-là.

La flèche jaune est bien sûr une métaphore de la Russie post-soviétique. Un pays qui ne sait plus très bien d'où il vient ni où il va, hésitant entre la pompe de la Russie millénaire et son héritage communiste. Le train de Pelevine est à son image. On y trouve un peu de tout : des businessmen décomplexés qui se livrent à toutes sortes de trafics sur le dos du bien public (les poignées de porte en laiton, les petites cuillers), des vieux qui regrettent le bon vieux temps de l'union soviétique, des exclus, des étrangers. Les riches y occupent des compartiments luxueux tandis que les plus démunis campent à même le sol. Quant à ceux qui dirigent tout ce petit monde, les conducteurs, il est impossible d'en tirer la moindre information. Ils ne savent peut-être pas eux-même où ils vont mais n'en détiennent pas moins le pouvoir. Notamment celui de vous attribuer un compartiment, une couchette ou de déclasser votre voiture sans la moindre justification. Bref, un pouvoir pas franchement démocratique.

Ce train étrange est aussi une métaphore de notre vie. Nous sommes lancés dans une longue fuite en avant sans plus prendre le temps d'observer et comprendre ce qui nous entoure : « Où vont-ils tous ? Pourquoi N'entendent-ils jamais le cliquetis des roues ? Ne voient-ils pas les plaines nues derrière les fenêtres ? Ils connaissent tout sur cette vie, mais ils continuent d'aller dans le couloir, des chiottes au compartiment, de la plate-forme au restaurant en transformant peu à peu aujourd'hui en un nouvel hier, et ils pensent qu'il existe un Dieu qui les récompensera ou les punira pour cela. » Dans La flèche jaune nul ne s'occupe de l'extérieur ni du but du voyage. Toutes les conversations, toutes les activités ont trait au ferroviaire : les livres, les chansons, les dessins... Le train n'est plus un moyen mais devient un but en soi. Son tac à tac lénifiant endort les consciences. Personne n'imagine plus vivre et penser autrement.

Andreï lui, finira par trouver le courage de descendre du train. Il saura arrêter le temps pour reprendre le contrôle de sa vie : « Comme le tintamarre des roues, derrière son dos s'estompait, il commença à distinguer clairement des bruits qu'il n'avait jamais entendus auparavant : la sèche stridulation de l'herbe, le bruit du vent, et le son étouffé de ses propres pas. » A nous de faire de même.

Denoël - & d'Ailleurs - 2006

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Commentaires
P
J'ai lu récemment un bouquin qui lui ressemblait : Le wagon ....de Philippe Saimbert....
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FLEUVE NOIR
fl no
ANTICIPATION

 

 

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  • Blog consacré à mes lectures dans les domaines de la fantasy, du fantastique et de la science fiction. Mais comme je ne suis pas sectaire et que mes goût sont assez éclectiques, il n'est pas exclu que j'y parle aussi d'un bon polar ou d'un essai.
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