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SF EMOI
10 juin 2013

ABATTOIR 5 - KURT VONNEGUT JR

jl0470-1973

 

Farandole d'un bidasse avec la Mort

par

Kurt Vonnegut, Jr

Germano-Américain de quatrième génération

Qui se la coule douce au cap Cod,

Fume beaucoup trop

Et qui, éclaireur dans l'infanterie américaine

Mis hors de combat

Et fait prisonnier,

A été, il y a bien longtemps de cela,

Témoin de la destruction de la ville

De Dresde (Allemagne),

« La Florence de l'Elbe »,

Et a survécu pour en relater l'histoire.

Ceci est un roman

Plus ou moins dans le style télégraphique

Et schizophrénique des contes

De la planète Tralfamadore

D'où viennent les soucoupes volantes.

Paix

Il est sacrément difficile de chroniquer un roman qui jouit d'une aura de classique de la SF, voire de classique tout court. Tant d'autres, et de bien meilleurs que soi, se sont déjà prêtés à l'exercice et l'on se demande ce que l'on pourrait bien raconter de neuf. On a aussi un peu la trouille d'être passé à côté de quelque chose de capital, d'avoir loupé LE passage qui donne la clé, bref, de passer pour un con. Mais bon. Tant pis. Je prend le risque. Je me lance.

Abattoir 5 c'est avant tout un remarquable réquisitoire contre la guerre. Toutes les guerres. Et contre le cortège d'horreurs qui les accompagne. En l'occurrence il évoque l'un des épisodes les plus dramatiques de la seconde guerre mondiale : le bombardement de la ville de Dresde en février 1945 qui fit près de 135000 morts, civils pour la plupart.

Cela suffit-il pour autant à en faire un grand roman de SF ? Sans doute pas. Et puis d'ailleurs, s'agit-il seulement d'un roman de SF en dépit de sa soucoupe volante et des extra-terrestres de la planète Tralfamadore ? Non. La SF n'est qu'un prétexte.

C'est d'ailleurs sur celui-ci qu'est construit le roman. Elle ne sert qu'à camoufler la vérité. Une vérité que Billy Pèlerin, le personnage, et avec lui l'auteur, refuse de toutes ses forces. Une réalité qu'il cherche à repousser dans le domaine de l'imaginaire, comme pour la rendre plus supportable. Une façon de refouler l'innommable : "Juderose, par exemple, avait abattu un pompier de quatorze ans qu'il avait confondu avec un soldat allemand. C'est la vie. Et Billy avait assisté au plus grand massacre de l'histoire européenne, le bombardement et l'incendie de Dresde. C'est la vie. Voilà pourquoi ils tentaient de se recréer un univers et une personnalité. La sience-fiction leur facilitait beaucoup la tâche."

Alors il se construit une existence parallèle où les Tralfamadoriens l'auraient enlevé pour en faire une curiosité zoologique. Une existence où aucun évènement n'aurait plus d'importance qu'un autre, où le temps s'écoulerait à l'envers, à l'endroit et dans lequel il passerait d'une date à une autre sans choisir, du moins le croit-il.

Car malgré tous ses efforts, Billy ne parvient pas à oublier. Toujours, les souvenirs reviennent avec une douloureuse acuité. Il suffit que sa femme l'interroge sur la guerre ou qu'un mot, une chanson, le renvoient à son passé : "Billy se concentre sur l'effet que lui produit le quartette et établit un rapport avec un événement survenu bien auparavant. Il n'a pas à explorer le temps à la recherche des faits. Ils brillent encore au fond de lui."

Alors, petit à petit, on sent venir l'inéluctable, même s'il fait tout pour en retarder l'échéance : "Billy, sentant approcher la catastrophe, ferme les yeux, et à reculons dans le temps, se réfugie en 1944."

Mais cela ne sert à rien. Le déluge de feu a bien lieu, a déjà eu lieu, aura toujours lieu. Billy/Kurt ne s'attardera d'ailleurs pas longtemps dessus. Juste quelques pages sur le paysage lunaire qui s'offre aux yeux des survivants, sur le spectacle d'une ville rasée et emplie de cadavres. "C'est la vie".

Oui, c'est la vie. Cette petite phrase, ce leitmotiv qui revient à chaque fois qu'une mort est évoquée donne le ton d'un livre qui étonne aussi par sa forme. Qu'il s'agisse de phrases ou de scènes récurrentes (l'annonce de l'exécution de Edgar Derby), d'une utilisation originale de la SF (les romans de Kilgore Trout que personne ne semble avoir lus) ou de passages quasi surréalistes tel ce bombardement à l'envers qui nous montre des bombes réintégrant la soute des avions qui viennent de les larguer et s'en retournent à leur chaîne de montage puis à l'état de minerais, Abattoir 5 est d'une incroyable richesse stylistique.

Sans oublier cet air de légèreté qui parfume le récit et lui donne une atmosphère incongrue en parfaite opposition avec la gravité les évènements narrés. Le roman se termine d'ailleurs par une mort ridicule (celle d'un homme exécuté pour le vol d'une théière, alors même qu'une ville entière vient d'être vaporisée) qui montre bien toute la stupidité de la guerre.

J'ai Lu SF - 1973

 

 

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Commentaires
F
Oui :D
Répondre
F
Je l'avais lu et beaucoup aimé à sa sortie. Je dois d'ailleurs l'avoir encore et j'ai envie de....<br /> <br /> :D
Répondre

FLEUVE NOIR
fl no
ANTICIPATION

 

 

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  • Blog consacré à mes lectures dans les domaines de la fantasy, du fantastique et de la science fiction. Mais comme je ne suis pas sectaire et que mes goût sont assez éclectiques, il n'est pas exclu que j'y parle aussi d'un bon polar ou d'un essai.
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