MON CHIEN STUPIDE - JOHN FANTE
Henry Molise est un auteur de second ordre qui gagne misérablement sa vie en écrivant des scénarios pour la télé ou le cinéma. Il parvient néanmoins à faire vivre sa femme et sa progéniture dans leur vaste maison au bord du Pacifique. Mais ses relations avec ses quatre grands enfants ne sont pas au beau fixe et sans l'entremise de son épouse la situation serait même intenable. L'arrivée intempestive d'un drôle de chien va dynamiter les habitudes de la famille et crever l'abcès.
Ca faisait un paquet d'années que je tournais autour des bouquins de John Fante sans me décider à en entamer un. Et puis je suis tombé sur ce « chien stupide » dont la finesse a, je dois l'avouer, achevé de me convaincre. Ce n'est pas que je déteste les pavés mais quand on ignore si l'on va aimer la prose de l'auteur, il vaut mieux commencer petit.
En l'espèce le doute a été vite levé et j'ai littéralement dévoré ce roman, drôle et touchant. Il s'agit pourtant d'une histoire toute simple. Celle d'un couple de quinquagénaires qui voient leurs quatre enfants quitter l'un après l'autre le cocon familial. Quoi de plus naturel me direz-vous ? Certes. Mais les quatre rejetons de Henry et Harriett sont particulièrement remuants et les relations père/enfants assez tendues.
Le récit de cette situation triste et conflictuelle est heureusement effectué sur un mode humoristique. Un humour dont le principal vecteur est Stupide : le chien de la maisonnée, molosse capricieux et homosexuel qui sera cause de conflits sans nombre avec le voisinage.
Il jouera aussi le rôle de révélateur des tensions familiales et provoquera le départ de plusieurs des enfants. Ou plutôt, il servira de prétexte à ces derniers pour franchir le pas et laisser leurs parents derrière eux. Des parents qui se retrouvent seuls dans leur trop grande maison, qui n'ont plus grand chose à faire ensemble si ce n'est prendre leur repas et s'envoyer en l'air, de moins en moins souvent.
Henry, le narrateur, nous raconte tout çà d'un ton qui se veut détaché mais qui ne parvient pas à masquer son désarroi. Derrière l'humour, on sent poindre la tristesse, le constat amer du temps qui passe, les regrets, mais aussi l'espoir qu'il reste encore de bons moments à vivre (un voyage à Rome, un nouveau bull terrier...). Le tout, sur fond d'Amérique des sixties encore empêtrée dans ses contradictions et ses peurs, la guerre du Vietnam, le racisme.
Editions 10/18 - 2002